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Jésuites à La Réunion
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À la pointe de l’amour inconditionnel

Retrouvez ici l’évangile du dimanche 10 mai 2015, 6e dimanche de Pâques (année B), l’homélie du père Christophe Kerhardy et la prière universelle des fidèles de la Résidence du Sacré-Cœur.

Article mis en ligne le 14 mai 2015

par Père Christophe Kerhardy sj

Retrouvez ici l’évangile du dimanche 10 mai 2015, 6e dimanche de Pâques (année B), l’homélie du père Christophe Kerhardy et la prière universelle des fidèles de la Résidence du Sacré-Cœur.

 L’homélie

« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Le Christ s’en va nous laissant ce testament, sa dernière volonté.

L’amour… personne n’est contre ! Je pense même que tout le monde est pour, les chansons, la littérature, le cinéma sont intarissables sur l’amour, mais aimer comme Jésus, c’est un immense défi, car on peut aimer autrement. Dans notre langage « aimer » comporte tellement de nuances.

On peut aimer par intérêt. Comme ces hommes qui s’attachent à une femme parce que c’est un bon pied de riz ; comme ces gens qui entretiennent de bonnes relations parce que c’est un bon parti ; comme ces actionnaires qui aiment une entreprise tant que les dividendes sont élevés. Cet amour fondé sur l’intérêt n’est pas l’amour auquel nous invite Jésus.

On peut aimer par intérêt, se marier par intérêt, on peut aussi aimer pour le plaisir. Le plaisir, les Grecs en avaient fait un dieu qu’ils avaient baptisé Éros. Éros a disparu mais l’érotisme et le plaisir sont bien vigoureux. La mesure de cet amour est donnée par l’intensité des sentiments. Alors, on aime les autres tant que cela nous apporte une satisfaction, on s’y attache tant que les émotions sont positives et gratifiantes, mais quand l’adrénaline retombe, eh bien, on passe à autre chose. Celui qui aime seulement pour le plaisir, risque bien de ne jamais aimer rien d’autre que lui-même, et de se noyer en soi comme le beau Narcisse. Là encore, ce n’est pas l’amour auquel nous invite Jésus.

Beaucoup plus haut, l’amour que l’Écriture appelle agapè, consiste à aimer l’autre pour lui-même, gratuitement et sans rien attendre en retour. C’est comme cela que Dieu nous a aimés : le Père en nous donnant son Fils, et le fils en offrant sa vie par amour pour ses amis, et même davantage puisqu’il la donne pour ceux qui ne l’aiment pas. C’est cela que le Christ nous commande, un amour qui ne s’interrompt pas même s’il doit traverser des zones de turbulences. Certains disent d’un couple heureux qu’il a su introduire l’amitié au cœur de son amour mutuel. Comme si l’aspect un peu égoïste de l’amour était relayé par une compassion, une tendresse centrée sur le bien de l’autre.

Par nous-même, comment arriverons-nous au degré de l’agapè ? En vérité, cet amour ne viendra pas de nous. Nous le recevrons comme une grâce de Dieu, comme un élan de l’Esprit qui nous donne de persévérer dans l’amour. Et c’est quand les choses se compliqueront, quand on aura du mal à aimer encore, à supporter l’autre ou à partager sa vie, c’est là qu’il nous faudra nous tourner vers le Seigneur en implorant qu’il transforme notre cœur en cœur du Christ. Nous sommes là au plus profond de notre identité chrétienne qui cherche à aimer comme Dieu, loin des amours éphémères qui se fracassent à mesure que les intérêts et les plaisirs s’évaporent.

Si les chrétiens doivent être à la pointe de quelque chose, c’est sans nul doute à la pointe de cet amour inconditionnel, un amour qui ne fait pas de différence entre les hommes.

C’est bien ce qui se passe entre Pierre et le centurion Corneille, dans les Actes des Apôtres. Il n’y avait pas spécialement de sentiment amical entre un centurion romain et un pêcheur de Galilée. Et pourtant l’Esprit, forçant les réticences et les préjugés a permis que l’un et l’autre se reconnaissent aimés de la même manière. Pierre et ses compagnons découvrent que l’Esprit Saint ne les a pas attendus pour débarquer à Césarée, y compris chez les païens de l’armée romaine. Une fois de plus, Dieu avait tout devancé : « Tous les croyants qui accompagnaient Pierre furent stupéfaits, eux qui étaient juifs, de voir que même les païens avaient reçu à profusion le don de l’Esprit Saint ». Que Dieu parle et agisse à travers ses disciples dûment choisis et formés, cela paraît normal ! Mais qu’il soit perceptible aussi chez ceux qui ne le connaissent pas, chez ceux qui n’ont pas encore été baptisés, ni franchement catéchisés, alors là, l’Esprit semble brouiller les cartes !

J’aime cet humour de l’Esprit Saint qui sait, de temps en temps, dégonfler nos prétentions à le détenir en exclusivité. En vérité, l’Esprit Saint souffle où il veut et il ne brouille pas les cartes, puisqu’il n’en a qu’une, la carte d’identité de Dieu, celle de l’agapè. Alors, parce que l’amour de Dieu est à l’œuvre en chacun bien avant notre passage, parce qu’il est présent en toute humanité, comment l’aimer autrement qu’en nous aimant les uns les autres ?