Bandeau
Jésuites à La Réunion
Slogan du site

Le site des jésuites à La Réunion. La communauté de la Résidence du Sacré-Cœur, les activités de la chapelle de la Résidence et du Centre Saint-Ignace.

Connaît’ dirige son vie !
Article mis en ligne le 22 septembre 2015

par Père Stéphane Nicaise, jésuite anthropologue

Des centaines de milliers de réfugiés aux portes de l’Europe, des millions de migrants de par le monde, une crise de l’asile à l’échelle planétaire… Et nous, à La Réunion, silencieux, comme rendus muets par un phénomène qui nous dépasse… Où alors pensons-nous que cela ne nous regarde pas ? Notre île, trop loin des routes de l’exode, ne serait tout simplement pas concernée. Les naufragés du bras de mer d’Anjouan à Mayotte nous crient le contraire !

Mais ce silence est aussi le mien, ma propre difficulté à me laisser interroger… Et pourtant, je sais bien que je ne peux pas être d’accord lorsque les personnes qui cherchent l’hospitalité font l’objet d’un tri : d’un côté ceux qui veulent mieux gagner leur vie, de l’autre ceux qui fuient guerres et dangers ; d’un côté ceux qui sont musulmans, de l’autre ceux qui sont chrétiens… Or j’appartiens au pays des droits de l’homme : « Tous les hommes naissent libres et égaux… »

Oui… mais… ai-je pour autant envie de vivre avec n’importe qui ? Ma nationalité me sert de rempart pour tenir à distance, hors de mes frontières, celui dont l’identité m’inquiète… me fait peur… est à mes yeux repoussante… Et justement, à bien y regarder, ce malaise n’est pas en lui, il est en moi ! Des analyses parues dans les journaux de la situation créée par les exilés l’affirment : « L’Europe n’est pas glorieuse parce qu’elle ne va pas bien. Elle ne sait pas où elle va et n’a plus de dynamique politique. Les Européens, et a fortiori les Français, n’ont plus confiance en eux-mêmes. Or on a du mal à accueillir les autres lorsque soi-même l’on ne se sent pas bien » (Patrick Weil).

Oui, le réfugié me dérange parce que lui, il a osé prendre la route de l’exode pour se diriger vers un ailleurs qu’il considère comme une promesse. Il a ce que j’ai perdu : la volonté d’inventer une nouvelle vie ailleurs. Et il est en train de me dire que cet ailleurs est chez moi, là où moi je passe mon temps à me plaindre !

Combien de temps vais-je encore résister à faire de cet ailleurs « notre maison commune » ? Et c’est de toutes façons le sens de l’histoire des sociétés humaines : « La littérature la plus ancienne, celle qui nous a formés et instruits depuis des millénaires, nous a décrit l’expérience déchirante et inestimable de celui qui quitte sa patrie et connaît l’exil. C’est à lui que nous devons notre monde et notre identité, racontent les Anciens. Son récit est devenu le nôtre. Sa migration est notre fondation » (Frédéric Boyer). En est-t-il autrement pour La Réunion ? Non, bien sûr !!!

Stéphane Nicaise, jésuite anthropologue

21 septembre 2015, îlet à Malheur