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Jésuites à La Réunion
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Le site des jésuites à La Réunion. La communauté de la Résidence du Sacré-Cœur, les activités de la chapelle de la Résidence et du Centre Saint-Ignace.

Mon adversaire n’est pas mon ennemi !
Article mis en ligne le 26 février 2020
dernière modification le 27 février 2020

par Père Stéphane, sj

Pourquoi est-il devenu si difficile de débattre dans notre société actuelle ? En 2020 en effet, nous pouvons tous constater que beaucoup de relations donnent lieu à des expressions d’agressivité : intolérance entre usagers de la route ; mises en cause virulentes de personnes sur les antennes radio ou dans d’autres médias ; explications entre enseignants et élèves et/ou leurs parents qui virent en violences verbales et parfois même physiques ; drames conjugaux et familiaux où la parole s’efface devant le geste meurtrier, en particulier à l’égard de femmes... La litanie est encore longue de toutes ces situations où l’autre n’est pas considéré pour lui-même mais comme un obstacle à contourner, voire à éliminer. Dans cette ambiance générale, et si nous n’y prenons garde, nous pouvons douter que les semaines à venir de campagne électorale pour les municipales soient dominées par les valeurs de respect, d’écoute, et de recherche du plus grand bien commun.

Quelle place donner au débat démocratique ? C’est-à- dire à l’expression libre d’opinions différentes, de manières de voir qui se distinguent les unes des autres, de volontés de conduire les affaires publiques selon des ordres de priorité qui ne sont pas les mêmes. Dans l’esprit républicain, soutenir tel candidat ne devrait pas entraîner un déchaînement, pour ainsi dire de haine, à l’égard du camp adverse et de son leader. Ne serait-ce que parce que personne ne peut prétendre détenir la vérité, la seule vraie solution pour résoudre tous les problèmes et toutes les urgences auxquels notre société est confrontée. Les majorités politiques passent et se succèdent, les défis à relever les débordent et continuent à exercer leur force de décomposition de la cohésion sociale pourtant si nécessaire et indispensable à notre bien vivre ensemble. Illettrisme, échec scolaire, chômage, habitat social insuffisant, transports en commun inférieurs aux besoins, asphyxie routière, réseaux de distribution d’eau potable défectueux, déchets à ne plus savoir quoi en faire, etc. Cette liste incomplète n’a guère changé depuis plusieurs décennies déjà.

La faute à qui ? La responsabilité est partagée, elle n’appartient pas qu’aux politiques. Le citoyen, tous les citoyens que nous sommes en ont une part. Collectivement, c’est notre manière de vivre qui est remise en cause ; collectivement, ce sont les valeurs dont nous nous réclamons avec force mais dont l’application ne suit pas, ou pas assez. Battre la langue est facile, passer aux actes l’est beaucoup moins. N’est-ce pas justement le principal reproche que nous adressons à nos élus ? Oui, « nos élus », ceux que nous avons mis en place, et que, presque au lendemain des élections, nous vouons à la géhenne ! « Nos élus », des femmes et des hommes comme nous-mêmes. Et puis, un élu n’agit pas seul. Sans parler des cabinets pléthoriques, auprès d’un maire ou d’un président de collectivité, l’équipe constituée par la tête de liste est déjà nombreuse, et les membres élus reçoivent des délégations de pouvoir. Tout ce personnel politique nous est proche. Quelle liberté de parole gardons-nous à leur égard ? Osons-nous les alerter et les conseiller ? Car l’exercice de notre citoyenneté est dans cet engagement à rechercher ensemble les moyens de forti er notre cohésion sociale et le bien-être du plus grand nombre ‐ à défaut de tous ‐ avec une attention particulière aux personnes les plus exposées à tout ce qui fragilise l’existence personnelle et collective.

Cette attitude relève d’une veille permanente, elle appelle à beaucoup d’humilité car aucune solution n’est dé nitive. Demain, un cyclone « pète su nout’ tête », et ce sera combien d’efforts mis à terre ? Aussi, « ti pas, ti pas », dans le dialogue mené avec conviction et humilité, nous pouvons décider de ce que nous voulons faire ensemble. Ne laissons pas la tentation du repli sur soi nous voler notre capacité d’agir, et d’agir ensemble, sans exclusion de personne. La période du carême nous encourage à l’exercice !

Un p’tit mot, trois p’tits pas n° 102. Février 2020

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mon-adversaire-n-est-pas-mon-ennemi_a561-2.pdf 101.2 ko / PDF