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Promesse d’enfance, joie d’enfantement
Article mis en ligne le 22 novembre 2019
dernière modification le 23 novembre 2019

par Père Stéphane, sj

« Pourquoi je vis, pourquoi je meurs », ces premières paroles de la chanson de Daniel Balavoine entonnées par Soan nous ont bouleversés. Soan, un gamin de onze ans, un marmaille la cour d’un quartier de Saint-André, a ému aux larmes beaucoup de téléspectateurs de la finale de The voice kids, session 6. « Pourquoi je vis, pourquoi je meurs, pourquoi je crie, pourquoi je pleure », ces mots simples portent l’attente de toute l’humanité depuis que la conscience humaine s’est éveillée. C’est la question du sens de notre existence, du « pour quoi » nous sommes là, dessus la terre : pour y accomplir quelle réalisation ? Pour aller où lorsque la succession des joies et des peines, des événements heureux et malheureux s’arrêtera avec la mort ? La voix pure de Soan a fait vibrer au plus profond des cœurs cette interrogation vitale que nous exprimons devant la vie et la mort. Par l’enfance qu’il reflète encore, Soan nous renvoie à la capacité d’enfanter de notre existence, si nous nous en donnons les moyens. Sa détermination nous oblige, en effet, à nous sonder sur notre consentement à exercer davantage notre liberté et notre responsabilité. Se contenter de gémir en répétant « j’suis mal dans ma peau » ne fera rien changer, pas plus que de continuer à confondre « la vie avec les bandes dessinées ». Seule l’écoute la plus intérieure, dans le secret de nos cœurs, nous donne de ressentir le frémissement de la vie qui ne finit pas : « Je sens quelque chose qui m’attire, qui m’attire, qui m’attire vers le haut ». La détresse ne peut alors que céder la place à l’espérance.

Les Terriens que nous sommes n’ont donc pas à renoncer à changer le monde dont nous héritons et qu’il nous revient de transmettre, meilleur qu’aujourd’hui. Car que vaut notre cri individuel, ce « pourquoi je crie », en proportion du cri de la planète entière ? Le synode sur l’Amazonie qui s’est achevé le 27 octobre nous invite à ce réalisme. Si, comme dans la chanson interprétée magistralement par Soan, chacun se reconnaît plus ou moins dans le « j’ai jamais eu les pieds sur terre », l’assemblée synodale nous force à éprouver le contact du sol sous la plante de nos pieds. Et c’est alors une terre souillée, « blessée et déformée », « lieu de douleur et de violence », une terre « de plus en plus menacée » que nous devrions ressentir. Oser faire cette expérience ne peut qu’élargir notre sens de la vie, non plus seulement individuelle mais à l’échelle du monde, humanité et nature indissolublement liées. Le cri de la Terre que le synode fait retentir est en effet indistinctement celui de la vie de la forêt et des indigènes qui est menacée par « l’attitude vorace et prédatrice » d’intérêts économiques. Combien d’Amazonies de par le monde ? Combien de terres et de peuples sacrifiés à l’argent ? A nous de lire et relire l’exhortation apostolique du Pape François, Laudato si, parue en 2015, toujours actuelle tant qu’individuellement et collectivement nous ne vivrons pas davantage la conversion écologique.

Or cette lenteur à changer profondément nos manières de vivre et de consommer fait peser sur les générations à venir des risques vitaux énormes. Dans son discours de clôture du synode sur l’Amazonie, le Pape François l’illustre avec les manifestations menées par des jeunes comme Greta Thunberg, et dont le mot d’ordre est : « Ne décidez pas pour notre avenir, c’est le nôtre ! ». Sous-entendu, n’hypothéquez pas notre avenir, ne le fermez pas à tout projet de vie… L’alerte vaut aussi pour nous en Indianocéanie. A l’occasion de son voyage apostolique dans notre région, le Pape François a bien pointé les risques que nos sociétés font courir aux jeunes. Dans son homélie de la messe à Marie Reine de la Paix, à Port-Louis, le diagnostic est sévère : « Mais qu’il est dur de constater que, malgré la croissance économique que votre pays a connue ces dernières décennies, ce sont les jeunes qui souffrent le plus, ce sont eux qui ressentent le plus le chômage qui cause non seulement un avenir incertain, mais qui leur enlève aussi la possibilité de se sentir acteurs privilégiés de leur propre histoire commune ». Du constat, le Pape fait découler l’action : « Ceux-ci, nos jeunes, sont notre première mission ! […] Ne nous laissons pas voler le visage jeune de l’Église et de la société ; ne laissons pas les marchands de la mort voler les prémices de cette terre ! ».

Que la contemplation de Jésus à la crèche nous pousse à confesser qu’« aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même… Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur » (Lettre de saint Paul aux Romains 14, 7ss).

Un p’tit mot, trois p’tits pas n° 101. Novembre 2019

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