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Je ne suis pas un héros, mes faux pas me collent à la peau

Retrouvez l’évangile du 27 octobre 2013, 30e dimanche ordinaire (année C), l’homélie du père Christophe Kerhardy, et la prière universelle des fidèles de la Résidence du Sacré-Cœur.

Article mis en ligne le 30 octobre 2013
dernière modification le 4 novembre 2013

par Père Christophe Kerhardy sj

Retrouvez l’évangile du 27 octobre 2013, 30e dimanche ordinaire (année C), l’homélie du père Christophe Kerhardy, et la prière universelle des fidèles de la Résidence du Sacré-Cœur.

 L’homélie

Deux hommes sont au temple en prière.

Le premier est pharisien, il a les yeux levé vers le ciel et savoure ce qu’il est. En hébreu perouchim signifie « séparés ». Les pharisiens se séparaient de la foule par une connaissance approfondie de la Loi et une superobservance des préceptes. Leur courant fondamentaliste avait fini par s’imposer, les pharisiens étaient devenus les chefs du judaïsme.

Le pharisien de la parabole n’est pas un mauvais fidèle, il jeûne deux fois la semaine, c’est un vrai ascète ; au moment des prémices, il offre à Dieu le meilleur de ses récoltes, de plus, il donne 10% sur tout ce qu’il gagne –c’est encore loin de la fameuse taxe à 75% mais c’est déjà très généreux ; ces dons permettent d’entretenir le Temple et de pourvoir aux besoins des prêtres. Mais selon Jésus, ce pharisien est loin d’être saint. Enfermé dans un fondamentalisme religieux, il passe son temps à se comparer aux autres et se montre assez élogieux pour luimême : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères... ou encore comme ce publicain. » Comme on le voit, sa relation à Dieu est obstruée par un ego surdimensionné. Il n’a rien à demander à Dieu sinon un peu de reconnaissance. Dans cette caricature de prière, le moi du pharisien a pris toute la place et du haut de son piédestal, il regarde avec dédain le publicain, cette racaille de mécréants qui ose venir souiller le Temple saint ! En fait, l’orgueil nous condamne à ne jamais rencontrer l’amour de Dieu. En effet, si tout est bien comme il faut, si notre conscience spirituelle est tellement satisfaite, avons-nous encore besoin d’un sauveur ? Ce n’est pas notre insuffisance qui fait obstacle à Dieu, mais notre suffisance. Devant de tels sentiments de suffisance, Jésus nous invite à faire un régime, à nous remettre en question, non pas pour nous diminuer et tomber dans une totale mésestime de soi, mais afin de laisser Dieu nous relever, afin de laisser son amour se pencher sur ce qui est faible en nous et donner aux humbles l’éclat qu’il tire de sa miséricorde.

C’est exactement ce qui se passe pour le publicain. Cet homme n’est pas un enfant de chœur et il le sait. Il a parfaitement conscience de son état de pécheur public, il n’en est pas fier, c’est pourquoi il n’ose pas lever les yeux vers le ciel ni avancer dans les premiers rangs ! Sa prière est une révision de vie, dans laquelle il avoue humblement : je ne suis pas un héro, mes faux pas me collent à la peau. Au temps de Jésus, les publicains percevaient les impôts pour le compte des Romains. Ils étaient détestés de la population et leur fréquentation était objet de scandale. Mais Jésus se plaît en leur compagnie et mange avec eux ; il n’est pas venu appeler les justes mais les pécheurs et il fait courir le bruit que ces derniers seront premiers dans le Royaume de Dieu.

Pour ceux qui font des efforts et qui essaient de mener une vie droite, c’est choquant... mais pour le pécheur, prostré au fond du Temple, qui se frappe la poitrine avec un cœur brisé et un esprit abattu, c’est une excellente nouvelle. Les comptes de sa vie sont là devant Dieu, avec un gros passif, le publicain voudrait bien en être délivré et il le demande : « Seigneur, prends pitié du pécheur que je suis. » Sa prière est une opération vérité, le publicain se présente tel qu’il est, sans complaisance, et de ce fait, il peut recevoir l’essentiel, c’est-à-dire la miséricorde du Seigneur.

Cette parabole ne cesse de nous éblouir tant sa leçon est simple : le Christ ne choisit pas des héros dignes de la médaille du mérite, il vient sauver des hommes et des femmes condamnables. C’est pourquoi quand nous prions, soyons vrais, comme le publicain, et reconnaissons simplement que nous ne sommes pas parfaits. C’est quand nous disons à Dieu : Je ne suis pas un héros, que lui nous dit : ma sainteté te suffira. C’est quand nous disons « je confesse à Dieu tout puissant, je reconnais devant mes frères que j’ai péché », que le Seigneur peut nous dire : je te donne mon pardon car je t’aime.

Pharisien et publicain, voilà donc deux figures qui constituent la trame de la parabole. Je ne crois pas que Jésus nous raconte cette histoire pour condamner les Pharisiens et les vouer aux gémonies.

Sa mission de salut ne connaît pas d’apartheid, et il ne peut pas dupliquer le système de ségrégation qu’il dénonce, c’est pourquoi dans son entourage on trouvera des publicains convertis, tels Matthieu ou Zachée, mais aussi d’anciens pharisiens. L’un des plus connus c’est bien sûr saint Paul. Paul de Tarse, ce fils de pharisien et pharisien lui-même a été saisi par le Christ tandis qu’il persécutait les chrétiens au nom de la Loi. Convaincu d’être juste, il méprisait tous les autres et voilà qu’il découvre qu’ au-dessus de la Loi, il existe un courant de grâce, une énergie d’amour supérieure, seule capable de sauver les pécheurs.

C’est cette énergie qui fait tourner les réacteurs de l’Église à l’endroit de tous ceux qui se frappent la poitrine et désespèrent d’eux-mêmes. De grâce, cessons de loucher sur le péché des autres, reconnaissons que nous sommes pécheurs et accueillons le pardon de Dieu, lui seul peut rendre juste.

(Illustration : « Le pharisien et le publicain », fresque de Charles Varade et Jean Sari, église Saint-Joseph de Marseille (Rvalette/CC by-sa-3.0)